Arts et littérature

L’envers d’un premier roman

Le métier d’autrice m’a toujours intéressée. D’abord parce que je rêve moi-même de l’exercer un jour, mais aussi parce que je suis impressionnée par la capacité des écrivains à nous plonger dans un univers complètement à l’opposé des leurs. Dernièrement, il y a un livre en particulier qui m’a accrochée, justement pour cette raison. Il s’agit de Furie, un roman de Myriam Vincent, qui raconte la vengeance d’une femme envers des agresseurs toujours en liberté, en réaction à l’agression qu’a subie son amie. Je dois dire que j’ai le bonheur de connaître l’autrice et que je sais qu’elle n’a rien d’une tueuse en série. Je lui ai posé plusieurs questions afin d’en apprendre plus sur le processus de création, mais aussi sur cet intrigant métier.

Photo Jean Turgeon

Myriam a réalisé son rêve de devenir autrice il y a environ deux ans. Elle rêvait de ce moment depuis qu’elle était toute jeune. « Je le disais même à mes profs, j’avais 7-8 ans et quand on se faisait demander ce qu’on voulait faire plus tard, je disais écrivaine. »

Une des nombreuses choses que j’ai aimée lors de la lecture de Furie, c’est qu’il est écrit à la manière des Comic Books. Pourquoi s’est-elle inspirée de ces univers? Tout simplement parce que c’était quelque chose qu’elle connaissait et appréciait énormément. « Puis tu sais, ce que j’aime beaucoup dans ces histoires-là, c’est l’espèce de dilemme moral, que la personne devient un justicier ou une justicière et qui décide de prendre la justice entre ses mains. Puis, il y a toujours un moment où là, elle se rend compte que bien moi aussi je suis violente dans le fond. » Elle m’a aussi expliqué que ce thème fonctionnait bien avec son idée de base qui était de dénoncer les failles du système judiciaire au niveau des agressions sexuelles, ce qui fait de Furie un livre encore plus d’actualité. Depuis plusieurs années, c’est toujours le même problème puisque les agresseurs sont rarement reconnus coupables. Les victimes se font dire de passer à autre chose et d’oublier cet « incident ». C’est ça que Myriam a voulu dénoncer avec son livre. « Trop souvent des personnes se sont retrouvées prises entre deux chaises. Puis ça continuait à juste être des mouvements comme ça qui ne faisaient rien changer en profondeur. J’étais vraiment très frustrée de tout ça. »

Ça faisait plusieurs années que Myriam réfléchissait aux divers questionnements que ce sujet soulevait, alors quand est venu le temps d’écrire, tout s’est passé très rapidement. En fait, elle a commencé l’écriture en septembre 2019 et Furie est sorti environ un an plus tard, à l’automne 2020.

Publier un premier roman en temps de pandémie, ce n’est pas évident. Elle n’a pas eu le droit à un gros lancement et n’a pas pu faire des visites en librairie. Elle me disait donc avoir été un peu déçue des circonstances. Elle m’a aussi avoué avoir ressenti beaucoup de stress à cause de la publication. « Ça m’a causé beaucoup d’anxiété, quand ton manuscrit est terminé ou que tu fais les derniers ajustements, tu finis que tu hais ton livre parce que t’es tellement stressée de ah ça va être quoi les réactions ? Tu doutes beaucoup. » Ne vous inquiétez pas chers lecteurs, être auteur n’est pas uniquement source de stress. C’est un métier qui apporte énormément de fierté et qui est très enrichissant. « En même temps, quand je l’ai tenu pour la première fois dans mes mains, c’est sûr que c’était de la fierté et c’était incroyable. Je me sentais fière, je me sentais chanceuse, je me sentais euphorique. C’était vraiment un très, très beau moment. »

J’ai ensuite demandé à Myriam de me décrire son parcours en un mot. Elle m’a répondu le mot suivant : chanceux. « Ça prend du travail, ça prend du talent et ça prend de la chance. Et si t’as pas le dernier élément, c’est difficile. » J’ai compris durant mon entrevue « un des grands drames d’écrivain ». Le livre que tu idéalises dans ta tête n’est jamais celui que tu vas avoir à la fin de tout ce grand processus. Elle m’a expliqué que c’était vraiment difficile de mettre ce que tu vois dans ta tête en mots parce que parfois, les mots ne suffisent pas. Il faut donc s’attendre, en tant qu’auteur, à prendre des raccourcis et accepter de mettre des informations de côté. Parlant d’informations, Furie est un livre dans lequel chaque meurtre est décrit avec beaucoup de précisions. Comment Myriam avait réussi à nous faire voir en images ce qu’elle avait écrit? Comme elle avait beaucoup écouté de true crimes, elle en connaissait déjà un peu sur le sujet. Elle a également effectué quelques recherches sur Google. « Mettons, ça prend combien de temps, dans la vie, étrangler quelqu’un. Des recherches que comme, bon, mon historique Google cette semaine, c’était pas super, mais mon livre va être précis et actuel. […] Comment atteindre les poumons en passant par les côtes avec un couteau. (Rires) »

Myriam a reçu plusieurs critiques positives et même le prix de la sélection québécoise des Rendez-vous du premier roman. Avec la publication de son prochain manuscrit, À la maison, au mois de mai prochain, je me demandais si cela la mettait plus en confiance ou au contraire plus de pression. Pour elle, c’est les deux. Elle craint que les lecteurs soient déçus parce que ce sont deux livres complètement différents, mais, par contre, au moment de l’écriture, sa première expérience lui donnait confiance en ses capacités. « Là, c’est comme de la pression de ça bien été au premier, ça serait plate que ça aille pas bien au deuxième. Ça a fait les deux. Mais ça c’est comme du travail qu’il faut que je fasse sur moi, c’est pas que je suis une moins bonne écrivaine, c’est juste que ça arrive dans une carrière. Il faut que j’apprenne à vivre à travers ça. »

Au terme de cette entrevue, je suis encore plus fascinée et passionnée par le métier d’autrice. Merci beaucoup à Myriam d’avoir répondu à mes nombreuses questions, j’ai passé un super moment. En attentant la sortie du roman À la maison, je vous invite tous à aller lire Furie, une histoire exceptionnelle.