Mettez-vous à ma place, mettez-vous dans ma peau. Je porte, par ma couleur de peau, beaucoup d’histoire, beaucoup de force et de courage mais aussi beaucoup de blessures et de cicatrices qui ne disparaitront pas demain. C’est avec un cœur lourd que j’écris aujourd’hui, car ces dernières semaines ont été plus qu’éprouvantes pour tout le monde mais, spécialement pour moi, une jeune adolescente noire. Comment je me sens ? Je suis blessée, fâchée mais surtout fatiguée. Je suis fatiguée de devoir défendre ma vie et celle des gens qui me ressemblent. Vous devez comprendre que comme enfants noirs, très vite nous sommes privés de notre innocence, trop vite nous devons faire face à ce monde qui à travers l’histoire n’a pas pu nous protéger. C’est à 4 ans que je subis ma première expérience raciste, à 9 ans que j’entends pour la première fois parler de bavures policières et, très vite, on me prépare à aborder les forces de l’ordre, une préparation que mes amis blancs n’ont jamais eue. J’apprends alors que l’on a peur de moi à cause de ma couleur de peau.
Ce qui est le plus difficile et, surtout au Québec, c’est de faire réaliser aux gens que le racisme est encore bien présent dans la société québécoise. Comment peut-on éradiquer ce type de comportement si on ne reconnait même pas que le problème existe? Voici les mots de Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de Québec solidaire : « Ce qu’il faut essayer de comprendre et d’expliquer, c’est qu’au Québec, si t’es membre d’une minorité visible, c’est plus difficile de se trouver un job, c’est plus difficile de se trouver un logement, mais c’est plus facile d’être arrêté par la police. C’est ça que ça veut dire le racisme systémique, c’est aussi simple que ça. » Je crois que pour qu’un vrai changement ait lieu, il faut que tout le monde reconnaisse le problème et qu’un travail se fasse personnellement dans les familles quand les portes sont fermées. Mais aussi, il faut que des gestes concrets soient posés afin qu’on puisse voir un vrai changement. Nos institutions doivent reconnaitre le racisme qui persiste au sein de celles-ci et mettre en place des dispositions pour que celui-ci arrête d’être accepté. Il faut que les voix des minorités soient entendues et ce changement commence par vous quand votre ami remarque que vous avez eu un comportement ou dit un propos raciste, je vous prie de vous taire,
de l’écouter et d’apprendre.
Fabrice Vil, avocat, activiste et chroniqueur pour La Presse, dit : « Un des problèmes de mon point de vue, c’est qu’on a fait du racisme une identité, ce que je veux dire par là c’est que quand on parle d’intimidation, on est capable de reconnaitre qu’une personne commet de l’intimidation sans en être un intimidateur dans tous les cas. Dans notre langage courant, c’est une erreur fondamentale en disant qu’il y a des racistes et des pas racistes et c’est sûr que dans un contexte comme celui-là tout le monde va vouloir se placer du côté des pas racistes. Le racisme n’est pas une identité, c’est une attitude, un geste, un comportement, ce sont des phénomènes qui provoquent un désavantage auprès des personnes racisées et ça, tout le monde peut en être responsable. Le jour où on va reconnaitre ça, je crois qu’on va être capable de se dire, aujourd’hui j’ai embauché une personne parce que j’avais un stéréotype pour cette personne par rapport à une autre. Nous sommes tous et toutes responsables de cet enjeu là et si on arrive à reconnaitre que le racisme arrive dans des phénomènes très subtiles, on est capable de débuter une conversation. » Je crois qu’il est temps de reconnaitre qu’on peut ne pas être fondamentalement raciste mais avoir des comportements racistes envers les personnes racisées. Le racisme silencieux existe et il se cache dans toutes les micros-agressions que l’on subit tous les jours mais qui souvent ne sont pas dénoncées. Il est aussi temps que l’on considère le racisme comme une crise humanitaire et non comme un problème qui concerne uniquement les communautés noires. En ce moment, on assiste au plus grand mouvement des droits civiques de l’histoire. La communauté noire se bat depuis plus de 400 ans et, encore aujourd’hui, les mêmes problèmes subsistent. Pour nous, ce n’est pas juste une tendance d’une ou deux semaines, c’est un combat quotidien que nous n’avons pas le choix de mener. Il faut que tout le monde participe mais aussi que tout le monde se sente concerné. Posez-vous ces questions : Qu’avez-vous fait ? Qu’allez-vous faire? Que faites-vous pour vous éduquer et éduquer les autres ? Ne laissez pas ce mouvement devenir une autre tendance des réseaux sociaux. La seule chose qui me met un baume sur le cœur, c’est de voir la vague de révolte qui sévit dans toutes les communautés culturelles du monde : enough is enough, assez c’est assez. Mon souhait le plus cher, c’est que mes enfants n’aient pas à vivre ce que moi ou ce que mes parents ont vécu, c’était aussi le rêve de Martin Luther King et d’Harriet Tubman, combien de temps encore avant l’équité…avant la vraie liberté ?
Dora Egnim Agba
Élève finissante, 5e secondaire