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Les sauveteurs de Varennes en grève

 

Notre quotidien est constamment chamboulé depuis mars dernier. Nous sommes passés de la fermeture des écoles, à l’annulation des examens du ministère, à la fermeture de tout ce qui n’était pas un besoin essentiel durant plusieurs mois et c’est malheureusement loin d’être fini. Cependant, ces temps difficiles n’empêchent pas les travailleurs de revendiquer des changements pour avoir de meilleures conditions de travail. C’est d’ailleurs le cas des sauveteurs du Complexe aquatique de Varennes qui ont passé plusieurs jours à piqueter durant la Semaine de relâche 2021. Je suis moi-même sauveteuse, donc j’ai fait partie de ceux qui ont passé quelques jours au grand froid pour supporter la convention collective. En ce sens, j’ai eu accès à l’envers du décor de toute cette histoire et en voici les grandes lignes, car oui, la vie continue malgré la COVID-19. 

 

Pour vous expliquer le pourquoi de la grève… 


Cela fait près de trois ans que les négociations avec l’employeur de SODEM (un sous-traitant engagé par la ville de Varennes) sont en place pour améliorer nos conditions de travail. Faire bouger les choses ne se fait donc pas du jour au lendemain et il ne faut pas oublier qu’avec la covid, il y a eu un ralentissement. On est finalement arrivé au point où les petits accrocs ont été réglés sous forme de compromis avec l’employeur et il restait maintenant la question salariale. Cette dernière était d’ailleurs le point clé de ces négociations vu qu’il est tout simplement illogique de nous payer au salaire minimum quand nous avons des certifications et des formations à renouveler. En effet, il est scandaleux de constater que des sauveteurs, qui ont des vies entre les mains, sont payés au salaire minimum du moment, soit 13,10 $. Si nous le comparons à ceux des autres piscines du Québec, notre salaire est inférieur en moyenne de 5 $. L’employeur affirme qu’il n’a pas les moyens de nous offrir un salaire de 20 $ ou même de 17 $. Il nous a, alors, proposé 13,55 $, soit 5 cents en haut du prochain salaire minimum en mai. Pour vous donner une idée, les sauveteurs de la piscine de Boucherville sont payés 20,36 $. Nous en sommes, donc, arrivés à faire une grève pour que l’employeur revienne avec une meilleure proposition.

Certains d’entre vous se diront que nous n’avons qu’à changer d’emploi si nous ne sommes pas satisfaits. Je ne suis pas la seule qui veut le conserver, Jacob Martineau lui aussi le veut, car il a affirmé : « J’aime l’emploi de surveillant-sauveteur et je suis fier des efforts que j’ai mis pour m’y rendre. En changeant complètement d’emploi, j’ai l’impression que je mettrais tous ces efforts là de côté et que j’aurai perdu mon temps dans toutes les formations que j’ai complétées. »

 

 

Et puis, il n’est pas le seul dans cette situation, les autres sauveteurs veulent également se prononcer sur le sujet :

 

« Je fais la grève parce que j’aime mon travail et j’aime beaucoup travailler avec mes collègues ! C’est pas loin de chez moi donc ça me convient énormément. On est une belle gang et j’aimerais faire une différence pour nous » s’exprime Alicia Farruggia, sauveteuse à Varennes depuis maintenant quatre ans. 

 

Un ancien élève du Collège Saint-Paul, Vincent Carpentier, m’a dit qu’il aime le travail de surveillant-sauveteur et moniteur, car pour lui, le contact humain avec le public est très important. Plus tard, Vincent aimerait être enseignant et ce travail le met tranquillement dans le bain pour cet emploi. De plus, l’équipe de sauveteurs à Varennes est superbe et il souhaite pouvoir continuer de travailler avec eux avec de meilleures conditions de travail. 

 

De plus, Sabrina Guilbault, une autre sauveteuse, souhaite continuer à se battre « parce que ça fait tellement longtemps que le syndicat travaille que ce serait comme abandonner au 40e km d’un marathon. La piscine est proche de chez moi, je peux donc travailler seulement quelques heures par semaine et ça me convient. En plus, je suis assez élevée dans l’ordre d’ancienneté c’est pourquoi je veux garder cet emploi. » 

 

On peut donc constater que les sauveteurs aiment leur travail, ils seraient fâcheux de les perdre à cause du sous-traitant… 

 

Le syndicat 


En syndicat est une association qui a pour but de défendre les intérêts des travailleurs auprès de leur employeur. On est, d’ailleurs, plusieurs piscines dans le même syndicat. Ce dernier comprend les sauveteurs de St-Laurent, LaSalle, St-Roch (Parc extension) et bien évidemment Varennes. 

 

Il est vrai qu’au départ je ne savais pas vraiment comment cela fonctionnait, mais c’est à force d’assister aux rencontres que tout est devenu plus clair. 

 

Je me demandais comment pensaient les autres sauveteurs au sujet de leur implication dans le syndicat et voici ce qu’ils m’ont répondu : 

 

Jacob : « J’essaie du mieux que je peux, mais je ne suis pas un fin connaisseur. D’autres sont vraiment meilleurs que moi et plus impliqués. »

 

Sabrina : « On a la possibilité de s’impliquer de plusieurs manières différentes. »

 

Alicia : « Je crois que parfois ça peut être difficile, mais j’essaie du mieux que je peux pour m’impliquer. »

 

Vincent : « Il est évident qu’avec l’école, s’impliquer dans le syndicat est plus complexe, mais nous devons nous impliquer si nous voulons des changements. Notre rôle est simple et important et on peut tous trouver le temps de s’impliquer un peu pour redonner à tous nos collègues. »

 

Si vous avez un emploi impliquez-vous, ça en vaut la peine !

 

La covid dans tout ça ?

 

Beaucoup doivent se demander si faire la grève en temps de pandémie est une bonne idée. Personnellement, je ne pense pas qu’il soit possible de choisir le moment, surtout que ça fait plusieurs années que nous négocions. Et puis, il faut bien que la piscine soit ouverte pour que nous puissions faire du piquetage, donc la relâche tombait à pic.

 

Mais la situation actuelle a quand même eu un impact sur nos négociations. Vincent explique que : « la COVID a provoqué une pause des négociations ce qui a ralenti le processus. C’est pour cela que nous devons travailler plus fort maintenant pour que cela avance ». Et d’après Sabrina : « l’employeur a maintenant de nouvelles raisons pour repousser les négociations le plus possible. »

 

Il n’y a donc pas de bon moment, c’est l’impact que ça à qui est important. 

 

Le piquetage

 

Avant la Semaine de relâche, les sauveteurs des différents centres aquatiques que regroupe notre syndicat se sont rencontrés à plusieurs reprises par Zoom pour savoir si la grève était une possibilité. 

 

Les travailleurs ont voté à 95 % en faveur de la grève. 

 

Suite à cela, nous étions informés une ou deux journées à l’avance que nous étions en grève une journée x pour ajouter un effet de surprise. Nous évitons aussi d’être toutes les piscines en même temps pour ne pas que les supérieurs s’envoient du personnel entre eux. 

 

L’objectif du piquetage est donc d’informer les clients que la piscine est ouverte, mais que ce ne sont pas les sauveteurs qui la surveillent, c’est plutôt des cadres. Nous ne savons donc pas s’ils ont les qualifications requises pour la surveillance. 

 

Depuis le début de la relâche, les sauveteurs et moi avons fait trois jours de grève soit lundi, mercredi et vendredi. Nous avons distribué des fiches explicatives, fait des pancartes et discuté avec les baigneurs de la situation. 

 

 

Et probablement qu’il y aura d’autres journées à venir si les choses ne changent pas.

 

Pour enlever les rumeurs sur le fait que le piquetage n’est qu’une « perte de temps », Jacob m’a expliqué son expérience :

« Je l’ai trouvé mieux que je l’imaginais. Le fait de revoir mes collèges était plaisant, puisque ça faisait longtemps que l’on ne s’était pas vu. Aussi, les membres du syndicat qui étaient présents étaient vraiment plus agréables que je l’avais imaginé. J’ai senti qu’on faisait une première vraie différence dans les négociations depuis longtemps… »

 

Si vous n’avez pas eux la chance d’aller nous voir, voici un peu à quoi ressemblait la grève :

 

Cette expérience n’a pas été de tout repos et je remercie tous ceux qui ont participé à la grève. Si nous voulons que ça évolue au mieux, nous avons besoin de votre soutien et de votre appui. Les sauveteurs prennent soin de vous et nous vous en demandons autant de votre part pour cette fois. Vous pouvez entre autres faire des plaintes ou même venir piqueter avec nous !

Bref, nous faisons appel à vous pour nous soutenir dans nos démarches afin d’améliorer nos conditions de travail. Vous pouvez entre autres écrire à la ville sur leur site https://www.ville.varennes.qc.ca dans la section  « Services aux citoyens » ou vous pouvez contacter SODEM directement au (514) 527-9100, cela nous aiderait grandement.