Normalement, lorsque je rencontre quelqu’un en entrevue pour le journal, la personnalité invitée travaille en dehors de l’école. Toutefois, ce n’est pas le cas cette fois-ci ! En effet, l’écrivaine interviewée aujourd’hui est enseignante à temps plein au Collège Saint-Paul, et elle est d’ailleurs très compétente dans ses deux professions !
Aujourd’hui, nous en apprenons plus sur le processus d’écriture fascinant de Katerine Martin, enseignante de français en 3e secondaire.
Question : Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ?
Réponse : Ce qui m’a donné envie d’écrire, c’est la lecture. J’ai commencé à lire très jeune, et très jeune j’ai commencé à fouiller dans les romans de ma maman. Et rapidement, je me suis rendu compte que j’aimerais moi aussi inventer des histoires! Dans ce temps-là, ma maman m’achetait des petits carnets dans lesquels j’écrivais des « romans » (Mme Martin met l’emphase sur les guillemets TRÈS GRANDS) et la première histoire que j’ai écrite est inspirée par les Quatre filles du docteur March.
Q : De quoi traitent vos 2 livres et duquel êtes-vous le plus fier ?
R : Le premier livre (L’hippocampe) traite de la maladie de ma grand-mère, soit l’alzheimer. Puisque son décès était très lourd, comme elle avait un cancer en plus, j’ai voulu montrer son histoire de manière plus douce, et donc une histoire d’alzheimer triste est devenue un road trip entre une grand-mère, une petite fille et son hippocampe (elle l’a représenté comme un animal, mais l’hippocampe est dans ce cas-ci une partie du cerveau responsable de la mémoire).
Le deuxième livre (Mon corps d’origami) porte sur les troubles alimentaires et les amitiés toxiques, et il est inspiré d’épisodes de ma vie. (Si vous souhaitez en savoir plus, il y a de nombreux exemplaires de celui-ci dans la bibliothèque du Collège).
C’est difficile de définir lequel des deux je préfère, parce que les deux « ce sont mes bébés » (je cite Mme Martin à la lettre) en fait, c’est comme choisir son enfant préféré!
Q : Où peut-on trouver Mon corps d’origami, votre plus récent livre ?
R : Il est partout, dont sur le site Les Libraires. En ce moment, il est disponible dans 82 librairies indépendantes du Québec, mais aussi dans les grandes chaînes (Renaud-Bray, Archambault, etc.)
Q : Pouvez-vous nous présenter un vers, une strophe ou même un moment que vous aimez beaucoup dans Mon corps d’origami ?
R : Le passage de la page 105 à 109, parce que c’est la résolution du livre. Dans ce passage, on comprend qu’il y a de l’espoir, malgré le trouble alimentaire. (Ce vers est l’un de ses préférés : )
– Et peu importe, si tout est à recommencer, si j’enchaîne les erreurs ou les rechutes. –
C’est important que les gens comprennent que quand tu as un trouble alimentaire, ça risque de te suivre une bonne partie de ta vie, voire même toujours. Elle va juste se métamorphoser au fil du temps, du contexte et des obstacles que l’on vivra au bout d’une vie. Je voulais que les gens qui lisent comprennent que c’est correct d’avoir des rechutes et que y a toujours espoir d’aller mieux (ce n’est pas un échec!)
Q : Si vous pouviez faire lire à n’importe qui votre plus récent livre, qui serait cette personne ?
R : Je le ferais lire à ma version de moi quand j’étais plus jeune, et aussi à tous les jeunes qui remettent en doute la valeur de leur apparence. Mais aussi, à ceux qui font des commentaires sur l’apparence des autres. MES ÉLÈVES AUSSI !!!
Q : Combien de temps et d’énergie l’écriture de vos livres a-t-elle prise en moyenne ?
R : La première version de L’hippocampe a été écrite en 2012, quand ma grand-mère est décédée. Puis, de nombreuses versions ont suivi au fil du temps et, quand finalement une maison d’édition a accepté mon manuscrit, ça a duré quelques dizaines d’heures (avant de pouvoir le publier).
Si vous voulez une anecdote intéressante pour L’hippocampe, la voici :
« Pendant des années, j’ai envoyé de nombreux manuscrits à plusieurs maisons d’édition différentes, sans jamais recevoir de réponse positive. J’étais découragée et j’ai arrêté d’en envoyer, parce que je me suis dit que si je ne recevais pas de réponse, c’est que mes histoires ne devaient pas être intéressantes!
Un matin, Mme Dominique (l’ancienne bibliothécaire du Collège Saint-Paul) m’a dit : « J’ai comme un pressentiment, tu devrais envoyer un manuscrit. » Au début, j’ai un peu ri, et pour lui faire plaisir je lui ai répondu que j’y penserais.
Dans la même journée, mes élèves de 1ere secondaire avaient une visite virtuelle d’une auteure québécoise. Puis, un de mes élèves a demandé si elle avait un conseil pour quelqu’un qui veut devenir auteur. Mme Vince (l’auteure en question) a répondu qu’il ne fallait jamais arrêter d’envoyer des manuscrits et qu’il suffisait d’UN éditeur qui croit en nous. Donc, pendant la période, j’ai envoyé un manuscrit à une autre maison d’édition à qui je n’avais jamais rien envoyé, dans l’idée de faire plaisir à Dominique. Les signes me disaient d’envoyer un manuscrit.
Trois heures plus tard, l’éditrice m’a écrit pour me dire qu’ils voulaient me publier! »
Mon corps d’origami, quant à lui, a eu six versions. Je dirais que le processus d’écriture a duré une trentaine d’heures en tout…
Q : Où, quand et comment préférez-vous écrire ?
R : Le soir ! (Plus précisément : )
QUAND : Lorsque je suis triste (Fun fact : Il y a un auteur qui a dit que le sujet sur lequel il est le plus difficile d’écrire, c’est le bonheur!)
OÙ : À mon bureau, avec mon chat et un thé (ou un jus de raisin « fermenté » dans une coupe à vin 🍷)
COMMENT : Sur mon ordinateur, avec de la musique sans paroles (Mme Martin vous conseille Nemo’s dreamscapes)
Q : Comment est-ce que ça fonctionne avec la maison d’édition ?
R : Pour le processus d’écriture, on fait affaire avec l’éditeur en question, qui commente nos différentes versions. À partir de là, c’est un travail d’écriture et d’échange, une espèce de « match de Ping-Pong » dans lequel on se renvoie ces versions pour voir évoluer le texte. Par exemple, je faisais trop de subordonnées relatives* dans mes textes, et c’est l’éditrice qui me l’a fait remarquer!
La rémunération, en général, se fait une fois par an, selon la maison d’édition. On touche normalement 10 % des revenus.
On reçoit aussi une avance** à la signature du contrat. (Une avance, c’est un montant d’argent offert selon l’estimation de combien d’argent feront les ventes. Par exemple, l’avance de L’hippocampe était de 1000 $ et finalement, les ventes en 1 an ont valu autour de 985 $. (Ce qui est plutôt semblable pour une estimation!)
*Phrase insérée dans une autre par un mot comme « que », « qui » « lorsque », etc.
Q : Projetez-vous d’écrire d’autres livres dans le futur ?
R : Oui! Je suis en train d’en écrire un troisième ET de l’illustrer, mais j’ai aussi une idée pour un quatrième. Le 3e parlera de la dépression adolescente et le 4e, je laisse la surprise. Ça prend forme dans ma tête…
Q : Que diriez-vous aux personnes qui n’aiment pas lire?
R : Le bon livre vous attend, il suffit de lui donner sa chance. Dire qu’on n’aime pas lire, c’est comme dire qu’on n’aime pas parler. C’est impossible, c’est une histoire de contexte et d’intérêt.
Q : Quel conseil donneriez-vous aux personnes qui désireraient écrire un livre comme vous ?
R : Conserver TOUT ce qu’on écrit, parce que j’utilise encore des extraits de choses que j’ai écrit y a 15 ans! On ne sait jamais quand ça va nous servir…
Mais surtout, ne jamais arrêter d’envoyer des manuscrits. (N.A : OUIIII C’EST VRAI !)
En conclusion…
J’ai récemment lu Mon corps d’Origami et sincèrement, je vous le conseille! (Je ne dis pas ça parce que Mme Martin pointe un fusil sur ma tempe, ne vous inquiétez pas). Je trouve que ce récit qui parle de troubles alimentaires et d’amitiés toxiques peut tous nous être bénéfique, que l’on soit victime, témoin, ou même pas du tout concerné!
Si vous souhaitez lire mes deux autres articles de ma série d’entrevues, les voici :
https://lexceptioncsp.com/entrevue-avec-sophie-lit/
https://lexceptioncsp.com/rencontre-avec-audree-archambault/