Il y a plusieurs années, quand j’étais en troisième année, on m’a diagnostiqué quelque chose qui s’appelle « mutisme sélectif dû à de l’anxiété sociale ». Si vous ne savez pas ce que c’est, c’est normal car c’est très très peu connu. Extrait de la page Wikipédia : « La définition du mutisme sélectif n’est pas totalement déterminée de par le fait qu’il est un trouble trop peu connu aujourd’hui. ». De mon expérience, premièrement, le mutisme sélectif… ce n’est pas sélectif. Contradictoire, mais vrai, car c’est l’anxiété sociale qui m’empêche de m’exprimer. J’ai presque autant de difficulté à parler à quelqu’un à qui je veux absolument parler qu’avec quelqu’un avec qui je veux éviter les conversations.
Pour clarifier tout ça, le terme « mutisme sélectif » signifie que c’est le mutisme qui sélectionne, pas la personne qui en est atteinte. Je réalise bien cela quand je suis dans une situation dans laquelle je serais prêt à me faire couper deux doigts (ou trois, si vous trouvez que c’est pas assez) juste pour parler, mais que je reste silencieux. C’est surtout dans ce genre de situation que ça me fait le + mal. Je veux parler, mais j’ai l’impression que les mots restent bloqués dans ma gorge, ça me fait mal et ça m’énerve au plus haut point. Exemple : dans un cours de maths précédent, après avoir parlé du satanisme et d’illuminatis avec humour dans les précédents, un autre fou rire a été déclenché dans la classe par la phrase de Mme Michaud « Donc là on est sûrs qu’il y a une femme dans chaque position », phrase qui nous a tous fait rire en la sortant du contexte du cours de probabilités. Sur le moment, j’ai rapidement pensé à dire « après les illuminatis et le satanisme, nous sommes rendus à l’échangisme! » mais mon anxiété sociale m’a dit non. Donc au final, je n’ai rien dit. Comme si ma gorge était cadenassée, les mots n’en sortaient pas.
Avant le premier confinement, je cohabitais avec ce trouble sans vraiment m’y opposer. Je me disais que je n’avais pas tant besoin de socialiser et que ce n’était tout simplement pas pour moi. Je ne voulais pas avoir beaucoup d’interactions sociales alors que tout le monde autour me conseillait de socialiser au maximum. Mais passer 6 mois à parler à personne d’autre que ma mère et ma grand-mère (et un meilleur ami, parfois) m’a fait totalement changer d’avis. Les rôles se sont inversés. C’est maintenant rendu que je veux socialiser le plus possible, faire de nouvelles rencontres, etc. et les gens déconseillent fortement les interactions sociales non nécessaires pour éviter la propagation du virus.
En fait, c’est comme si pour chaque interaction sociale, il y avait un mur de brique, puis que ce mur, c’est le mutisme sélectif. Après le confinement, objectivement, je pense que j’aurais eu assez de courage et de volonté pour démolir ce mur à tous les coups. Sauf qu’à cause du COVID 19, vu que c’est important pour moi de respecter les règles et qu’en plus c’est pour ma santé et celle des autres, ça rajoute une protection de diamant à ce mur là.
Avant c’était bien pire, mais aujourd’hui je me suis bien amélioré contre mon mutisme. Par exemple, maintenant, contrairement à il y a environ 3 ans, quand il faut que je parle (comme un(e) professeur(e) qui pose une question, une présentation orale, un médecin qui me demande mes infos sur mon nom, mon âge, etc.), je parle la plupart du temps. Mon mutisme me bloque surtout (mais pas que) lorsque je veux commencer une conversation. Lorsque la conversation est commencée, c’est un peu plus facile de parler et plus je parle à une même personne, moins mon mutisme est « efficace » contre celle-ci.
Même avec de la volonté, il me faudra aussi beaucoup d’efforts pour me sortir de cette prison dont je souffre depuis bientôt 7 ans. Dès qu’on sera enfin revenus comme avant (sans les masques, le désinfectant, tout ce tralala) je m’engage à essayer d’avoir plus de conversations durant les pauses et les midis (j’aurais pu me faire cette promesse personnellement mais c’est mieux en public, comme ça il y a des gens qui seront au courant). Malgré que cette promesse ne soit que pour après la pandémie, j’ose tout de même espérer que d’ici quelques semaines, j’aurai réussi à faire en sorte que ce souci ne sera que du passé et que je pourrai enfin m’exprimer librement et être enfin moi-même. Vous pouvez venir me parler si vous voulez entre les cours, j’adore parler. Oui, même si j’ai extrêmement souvent mon casque pour écouter de la musique, je suis quand même ouvert à la discussion. Par contre, peut-être qu’au début je ne parlerai pas beaucoup, mais je ferai des efforts et au fil du temps je deviendrai plus à l’aise.
Je viens tout juste de me rendre compte que je voulais me débarrasser de ça même avant le confinement. Voici un extrait de mon poème inspiré du poème slam « Rencontres » de Grand Corps Malade, que j’ai écrit le 20 février 2020 (tout juste avant le début du confinement) :
J’ai rencontré l’anxiété et franchement, je ne l’ai pas aimée
Elle s’est infiltré avec furtivité et m’a empêché de parler
Mes cordes vocales étaient enfermées à cause d’elle
Je ne m’en suis toujours pas débarrassé, mais j’essaie d’y remédier
Et c’est compliqué avec ma difficulté de m’exprimer
C’est une maladie, mais, sur le papier, rien d’officiel
Ça m’a laissé sans voix.
Voilà! C’est la fin de mon premier article en tant qu’auteur pour le journal L’Exception, j’espère que ça vous a aidé à en apprendre un peu plus sur moi et mon mutisme sélectif, si vous avez des questions à me poser, je suis disponible! Je tiens à remercier mon grand frère, Marc-André, qui m’a bien aidé à l’écriture de cet article (que j’ai entièrement écrit), il m’a lui-même appris des choses sur mon propre trouble, même s’il n’en souffre pas.
Wylliam (avec un Y) Gélinas