L'Exceptionnel

Noël rouge

Noël rouge

Ça fait maintenant 5 ans qu’il est parti. Tout a commencé le 25 décembre, c’était la veille d’un Noël comme les autres. On venait d’aller chercher notre magnifique sapin qu’on plaçait dans le coin du salon comme chaque année. On posait ensuite les magnifiques lumières qui illuminaient l’endroit, mais aussi notre amour qui semblait éternel. Le soir, nous allions manger dans notre restaurant préféré situé sur la grande rue qui traversait presque tout le village. Après être rentrés à la maison, nous sommes allés nous coucher et notre père est venu nous border, comme à tous les soirs. J’ai perçu, dans ses yeux, un froid glacial et surtout, un regard vide. Il m’a ensuite dit ces mots qui résonneront à jamais dans ma tête: « Je t’aime fils, mais je dois partir ». Je n’ai pas su réagir et je suis resté dans mon lit sans bouger comme figé par la terreur et le désespoir. Comme j’ai été idiot ! Pourquoi ne me suis-je pas levé, pourquoi ne l’ai-je pas empêché de partir ? J’aurais juste voulu lui dire que je l’aimais, juste lui dire un dernier « Merci ». 

Depuis le 25 décembre 2015, je ne l’ai plus jamais revu. Il est maintenant, pour moi, qu’un souvenir à oublier, un rêve lointain mais, surtout un cauchemar infini. Chaque soir, depuis, j’entends mon frère pleurer. J’aurais souvent voulu aller le réconforter et lui dire qu’il reviendra, mais ce serait nous mentir.

Aujourd’hui, nous sommes le 25 décembre 2020. Je suis seul dans ma chambre, pensant à quoi notre vie pourrait ressembler avec lui ou à quoi ressemblent toutes les familles qui fêtent Noël en famille.  Je pense aussi à tous ceux qui ressortent du magasin, les bras remplis de jouets et de bijoux, beaucoup plus soucieux de leur repas de Noël que des gens couchés à leurs pieds, mendiant seulement de quoi manger un repas misérable au restaurant du coin. Mais, ce qui me manque, ce n’est pas de recevoir un nouveau cadeau ou de manger un repas succulent au coin du feu crépitant. Ce qu’il me manque,c’est de serrer dans mes bras mon père, passer ne serait-ce qu’une minute avec lui pour lui raconter ma journée ou lui expliquer comment la vie avait changé sans lui. 

Après être rentré dans ma chambre en claquant la porte au nez de ma mère qui s’efforçait de nous élever malgré tout, je décide enfin de sortir de ma pièce remplie d’une énergie sinistre que l’on ressent comme un souffle de vent glacial qui nous fouette le visage. Je me dirige, ensuite, vers la cuisine où m’attendaient déjà mon frère et ma mère en train de manger un repas trouver au supermarché du coin. Je tire la chaise d’un coup sec et m’assois sur celle-ci, tellement vieille que le bois dont elle est constituée est ranci. 

Tout à coup, j’entends trois coups résonner sur la porte. Il y a de cela des années que personne n’a sonné chez nous. Je me lève de table et je vais chercher la batte de baseball car, dans notre quartier, il faut savoir se protéger. J’entrouvre la porte tout en me préparant à la fermer au cas où l’interlocuteur s’avérait vouloir entrer sans autorisation. Je regarde le visage de l’homme en face, prêt à le frapper s’il fait un simple faux pas, mais, je lâche mon arme. 

Je découvre mon père, planté devant la porte. Malgré les années, il n’a pas beaucoup changé, seule sa barbe, maintenant rendue longue et visiblement mal entretenue, dépassait de son beau visage auparavant rempli de joie. Mon regard est soudainement attiré vers son avant bras, ce que je pense être une blessure est en fait un tatouage. Un tatouage des Bloods. Cette organisation est l’un des plus grands gangs de toute la région à faire le trafic des armes et de la drogue. Contre toute attente, mon père n’est pas seul, un jeune homme d’une vingtaine d’années pointe un pistolet sur sa tempe. Un chandail rouge, le pantalon baissé jusqu’aux culottes et un masque de gangster remonté jusqu’au nez, je comprends vite que cet homme lui veut du mal. Le regard furieux, il crie quelque chose qui me semble inaudible, car je suis trop occupé à observer l’arme prête à faire feu, à tirer un coup qui serait fatal. Je garde le regard fixé sur cette arme si destructrice, alors qu’il continue de crier vers moi et je sens du coup mon sang se glacer dans tout mon corps et mon cœur pomper dans ma cage thoracique. J’entends un coup de feu et il s’écroule.

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