Arts et littérature

La portée des mots

Le temps passe, l’encre reste. Plus l’histoire est émouvante, plus mon cœur est exacerbé. Les mots s’ancrent et vibrent en moi, comme si l’heure de la tempête avait sonné. Jamais un roman n’a hurlé son histoire aussi fort que «Et j’ai crié sur les murs de ta ville» de la jeune autrice Maé Senécal. 

L’aventure a débuté, pour moi, lorsque mon regard s’est posé sur la première page. La voix du personnage principal, Riley, s’est tout de suite glissée  en moi. 

Le monde de Riley, n’est ni noir ni blanc. Il est un mélange de gris teinté de  souffrance, d’incompréhension, de recherche de soi et de peinture.

En résumé, après le décès de son père, la famille de l’adolescente éclate en mille morceaux. Se retrouvant seule devant la vie et incapable de faire face aux épreuves, Riley se réfugie dans les bras de Jules, un vieil ami de la famille. Elle emménage avec lui, dans un immeuble délabré, qui regorge de prostituées trouvées dans la rue. Bras droit d’un proxénète, Jules fait vivre à la jeune femme les hauts et les bas d’une vie tourmentée. Perdue comme jamais, Riley se lance dans une quête de vérité où elle dénonce les injustices de la vie en peignant des fresques sur les immeubles de sa ville. Durant cette année de fugue, la jeune artiste découvre de bonnes âmes et quelques onces de bonheur. Elle fait la rencontre particulière de Phil, un jeune homme blessé par la vie. Submergés par leurs secrets, leurs fardeaux et leur monde cruel, Phil et Riley essayeront de crier leur vérité, ensemble, sur les murs de leur ville.

J’ai adoré ce roman, entre autres, pour le puissant message qu’il véhicule et pour les réflexions que l’histoire m’a apportées durant ma lecture.

De plus, Riley n’en peut plus de l’égoïsme individuel qui caractérise notre société d’aujourd’hui. Elle n’arrive plus à respirer tellement les blessures que l’égoïsme laisse sont profondes. Elle n’arrive plus à croire qu’il faut se battre pour l’égalité parce que chacun est concentré à se regarder le nombril. Les injustices pèsent sur son cœur d’adolescente parce que Riley vit dans un monde d’hypocrites. Un jour, la vie lui sourit alors que le lendemain, c’est le chaos. Elle vit avec un couteau sous la gorge, ne pouvant pas faire autrement que survivre. L’hypocrisie, c’est la réalité de Riley. C’est la mienne et c’est la nôtre. Malgré que Riley soit un personnage fictif, elle est devenue une alliée pour tous ceux qui, comme moi, sont en guerre contre le narcissisme et tous ses dérivés. Par le personnage de Riley, l’autrice dénonce l’individualisme et devient une voix pour notre génération. Cela fait du bien. 

Le roman de Maé Senécal m’a réconfortée alors que notre monde est à son plus bas. Cela donne envie de nommer le problème et de se battre contre l’égoïsme. L’autrice sait toucher des cordes sensibles. Elle parle de sujets controversés avec lucidité: la prostitution, le deuil, la colère et les liens familiaux tordus. Elle dénonce les maux de la société avec une voix singulière, une voix par laquelle les jeunes filles en quête de vérité peuvent s’identifier. Ses propos sont justes, émouvants et incroyablement éloquents.

Nous n’avons pas besoin d’être cloîtrés dans l’appartement aux côtés de Riley et des jeunes prostituées pour vivre ce sentiment si fort qu’est l’impuissance. Malgré l’horreur qui défile sous ses yeux, le personnage principal est un symbole de courage. La mort rôde autour de Riley, mais jamais elle n’y succombe malgré son mal-être. Elle est forte. Riley préfère peindre sur les murs et dénoncer les injustices qui fendent son cœur que de baisser les bras et laisser le mal triompher. C’est un bel exemple pour les jeunes. 

À travers ce livre, Maé Senécal nous parle de douleur et de pardon, de bonheur et de confiance. Je me considère privilégiée d’avoir découvert un roman comme celui-ci. Que d’émotions et de beaux mots ! Somme toute, un beau voyage assuré dans l’univers d’une autrice inspirante, voyage auquel je ne suis pas sortie indemne. Et qui sait, il en sera peut-être de même pour vous ?

Et j’ai crié sur les murs de ta ville, Maé Senécal

Raphaëlle Mandeville