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Froid, comme la mort

Louis courrait dans les couloirs de la prison. Il était à bout de souffle, la sueur qui ruisselait sur son front lui brûlait les yeux en coulant nonchalamment sur son visage. Son souffle chaud brûlait sa rétine, n’ayant d’autre place où se diriger dans son casque en métal qui bloquait toutes autres sorties. Son armure était lourde, trop lourde, il croyait pourtant avoir tout prévu. Le cris des enfants au loin lui firent redoubler d’efforts. Il sentait son cœur résonner contre les parois de son casque. Ses mains poissaient dans son armure étroite, sa prison corporelle, sa citadelle pour la vie, mais aussi sa malédiction. Il courrait, marchait, reprenait son souffle, recommençait. Un bruit d’explosion derrière lui, des hurlements devant. Des deux côtés, des murs de pierre le forçaient à foncer tout droit vers la souffrance. Son espoir se dissipait, tout comme son énergie, laissant place aux remords, au désespoir, à l’épuisement et aux tourments. Il arriva en face de la cellule, il n’était pas trop tard.

 

Louis dégaina son épée et cogna violemment le cadenas qui retenait prisonnier les jeunes. Il frappa et frappa encore. L’humidité faisait glisser son manche. Les enfants criaient alors que Louis tentait à nouveau son coup. Le bruit du métal résonnait dans les couloirs, les enfants frappaient les barreaux de leur côté. Le cadenas abîmé, Louis réussit à le faire céder. La porte s’ouvrit dans un grincement long et strident, comme le cri infini d’une mère qui voit son enfant se faire tuer. Les jeunes sortirent comme un banc de poissons victimes d’une attaque de requin. Il y a avait des blessés et une jeune fille était en sang. Un bruit de pas retentit au bout du couloir et une flèche se planta dans la cuisse d’un jeune garçon. Louis se retourna tant bien que mal pour faire face à la nouvelle menace, incapable de tourner la tête avec son casque trop lourd. Un groupe de quatre gardiens armés jusqu’aux dents d’arcs et d’épées se tenait au bout du couloir. Ils décochèrent deux autres flèches, mais cette fois les enfants unirent leurs mains et firent apparaître un mur blanc qui bloqua l’attaque ennemie. Louis profita de la protection du mur pour fuir avec les enfants. Le garçon qui avait une flèche dans la cuisse était supporté par deux autres jeunes. Derrière eux, le mur magique se brisa comme du verre. Louis savait qu’ils n’y arriveraient pas tous, il allait y avoir des morts. Il fit volte-face, jeta un dernier regard aux enfants en fuite, empoigna plus fermement son épée et fonça tout droit vers les assaillants. 

 

Le groupe d’enfants poursuivit son chemin vers la sortie et arriva devant une grande porte de bois détruite qui donnait sur un vieux pont de pierres où une femme en armure se battait contre plusieurs gardes. Lorsqu’elle aperçut les enfants, elle donna un violent coup de bouclier sur l’un des gardes pour le faire basculer en bas du pont. Les enfants joignirent leurs mains et firent apparaître une boule de feu qu’ils envoyèrent se fracasser contre les gardes restants. Barbara, la guerrière n’avait pas été frappée par la boule de feu, étrangement protégée. Barbara fit signe de la main aux enfants de traverser le pont maintenant libre. Ils foncèrent vers la fin de leur enfer, traversant le pont suivant la guerrière vers le champ devant la forteresse. Le sang coulait dans les plaines, il y avait une cinquantaine de guerriers de la Grande Cité qui affrontaient les gardes corrompus de la prison.

 

Barbara vit un gigantesque rocher de catapulte fendre le ciel et se diriger droit sur elle. La guerrière poussa les enfants vers le champ, mais elle-même n’eut pas le temps de traverser, idem pour quatre autres enfants. Pour les protéger, elle plaça son bouclier devant elle et les jeunes. Quand le boulet se fracassa contre le pont, il y eut des cris d’enfants, suivis de plusieurs projectiles rocheux qui se mirent à virevolter et heurter le bouclier de Barbara. Le pont trembla et les enfants s’accrochèrent aux hanches et aux épaules de la guerrière. Après le choc, Barbara regarda ce qui s’était passé. Le pont était coupé en deux, il leur était impossible de traverser maintenant. En bas du pont, il y avait trois cadavres, celui du garçon avec la flèche dans la cuisse et ses deux amies. La scène était tellement horrifiante que même Barbara détourna le regard. Derrière eux, des bruits lourds se firent entendre. Deux gardes courraient dans leur direction. Ils avaient des boucliers et ils voulaient les utiliser pour pousser le groupe dans la rivière en bas du pont. Barbara se mit en position défensive : bouclier devant, genoux au sol, elle était prête. Les boucliers s’entrechoquèrent, se fracassèrent, le temps s’arrêta et il reprit son cours. Les deux gardes poussaient contre Barbara. Les enfants voulaient l’aider, mais leurs bras étaient trop frêles pour faire une différence. Ne pouvant repousser leurs forces, Barbara perdit du terrain et les enfants tenaient en équilibre au-dessus du vide. Soudainement, il devint plus facile pour Barbara de pousser. Elle en profita pour planter la pointe de son épée dans la cuisse de son assaillant, lui faisant perdre l’équilibre et le faisant tomber sur le bouclier de la guerrière. Profitant de ce désavantage, elle souleva le garde au-dessus de sa tête et le fit tomber dans la rivière. Lorsqu’elle se retourna pour faire face au deuxième garde, elle découvrit que Louis l’avait déjà tué.

 

De l’autre côté du pont, dans le champ, une femme apparut, elle leva les mains et invoqua un pont magique qui boucha le trou béant qu’avait laissé la catapulte. Le groupe traversa le pont, mais une flèche vint se planter dans la gorge de l’un des enfants. Pour éviter plus de pertes, tout le monde décida de l’abandonner, sauf une petite fille qui s’accrocha à son cadavre, elle pleurait, hurlait, mais Louis l’attira vers l’arrière. La fille resta accrochée au corps avant de le lâcher dans un cri de désespoir. Le groupe quitta le territoire de la prison, dans le deuil.