Opinions

Féministe en construction

NDLR: On a beaucoup parlé de féminisme cet été et cet automne, même (et enfin!) à l’école. Cet article est donc né dans ce contexte. 

J’ai pris conscience que j’étais féministe entre la fin de mon secondaire et l’avènement des réseaux sociaux. Le Cégep, époque de tous les possibles. Ma meilleure amie d’enfance, curieuse et engagée, de gauche et un peu bohème, s’est mise à éveiller en moi des questionnements que j’ignorais alors.

L’apprentissage peut faire mal. L’apprentissage, c’est remettre en question notre confort et nos idées préconçues. C’est revisiter plusieurs pans de sa vie et avoir l’impression de les voir pour la première fois.

Mais le hic avec l’apprentissage, c’est qu’une fois qu’on a appris, on ne peut plus revenir en arrière. Je réalisais que certains commentaires me choquaient, que certaines situations me mettaient mal à l’aise sans réussir à trop saisir le pourquoi. Je voulais le vocabulaire pour l’exprimer, pour pouvoir mettre le doigt sur le problème.

Londres, quartier d’Angel-Islington

J’ai décidé de m’éduquer. De lire. De visionner des films et des documentaires. De discuter. De trouver la place qu’occupaient mes valeurs, mes convictions profondes et de mieux les comprendre et les articuler.

J’ai découvert Simone de Beauvoir – comme toute jeune femme qui se cherche. Puis Elisabeth Badinter. La littérature de Virginia Wolf. Celle de Margaret Atwood. Puis des figures modernes et québécoises. S’en est suivi un travail de fin de DEC de plusieurs mois sur l’hypersexualisation des jeunes filles pour lequel j’ai rencontré une sexologue et auteure reconnue. Toutes ces femmes me faisaient apprendre et grandir. Mes études en histoire ont ensuite alimenté cette curiosité et m’ont fait porter un regard féministe sur les époques, les cultures et les continents explorés. Qu’ont-ils tous en commun? L’absence quasi-totale de figures historiques et politiques féminines, absence encore plus criante dans les manuels scolaires.

Le travail sur soi, c’est un premier pas. C’est un premier pas nécessaire pour mieux comprendre. Pour partager. Pour agir.

L’étape suivante et inéluctable dans mon cas : la prise de position, le concret, la confrontation, le « c’est assez, ça ne passe plus! ». Plus facile à dire qu’à faire, je vous le confirme!
C’est se choisir plutôt que de choisir d’acheter la paix par le silence.
C’est accepter de blesser parfois les gens.
C’est refuser un commentaire misogyne en plein party de Noël ou jeter un froid dans un souper de famille.
C’est oser aborder, avec sensibilité, écoute et ouverture, des sujets considérés délicats en classe avec ses élèves.
C’est donner son opinion devant des collègues même si elle va à l’encontre de la majorité. Parce que la majorité n’a pas toujours raison.
C’est aussi la culpabilité de lâcher prise parfois. De se dire que ce sera trop épuisant aujourd’hui de défendre son point. Que le féminisme attendra à demain…
C’est répondre au monsieur à l’épicerie qui passe un commentaire déplacé à la caissière.
C’est refuser des termes comme « semaine de fille » pour parler des menstruations.
C’est ne pas employer le mot « mademoiselle » et intervenir quand quelqu’un le dit. Parce que non, ce n’est pas « cute », c’est lourd de sens et symbole du patriarcat.
C’est refuser d’ignorer les doubles standards qu’on impose aux filles et aux femmes.
C’est suivre ses valeurs pour vivre une vie plus vraie.

Dans les dernières années, je me suis mise à offrir des livres féministes en cadeau à mon entourage. Le livre de Lili Boisvert pour mon grand frère. Le recueil Folles, frues, fortes pour mes amies. Le féminisme québécois raconté à Camille à la fille d’une amie. J’ai vite réalisé que ça soulevait des discussions à la réception du cadeau, mais encore plus après la lecture de l’œuvre. Mission accomplie. 

Au fil du temps, de manifestations, de prises de position et de débats, j’ai donc compris qu’il y a plusieurs façons de démontrer son engagement. Pour une cause, pour ses valeurs, pour un idéal.
On peut sortir nos pancartes.
On peut crier sur la place publique et faire du bruit.
(Avec des gens voués à la cause et qui pensent déjà comme nous…)
C’est exaltant. C’est radical. Et éphémère.
C’est émotif. Et limité sur l’argumentaire.

On peut aussi décider de chambouler notre mode de vie du tout au tout pour qu’il corresponde à ces valeurs, à cet idéal. 

On peut aussi y aller par « petites bouchées » avant d’y arriver. S’imprégner. Discuter, influencer. Savourer nos découvertes, parfois douces-amères. Et surtout être humble, accepter d’écouter, accepter que l’apprentissage est constant et qu’il n’est jamais un produit fini.

 

Coups de coeur et suggestions pour s’initier au sujet

 

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