Tinder est une application de rencontre qui a été lancée en 2012 entre autres par Sean Rad qui utilise un principe en apparence très simple qui « facilite les rencontres amoureuses ». En 2018, les revenus générés par Tinder sont estimés à 810 millions de dollars, ce qui en fait une des applications les plus rentables de l’App Store d’Apple.
Tinder fonctionne sur le principe simple du « swipe ». Cette application vous montre les profils des autres utilisateurs qui sont géographiquement près de vous et ils sont généralement de votre âge. Ils vous seront alors présenté et vous pourrez les accepter en les « swipant » vers la droite. À l’inverse, si un profil ne vous plait pas, vous le glissez vers la gauche et il disparaîtra afin de ne plus vous être proposé dans le futur. Maintenant que les bases sont posées, entrons dans les rouages de Tinder pour mieux comprendre comment cette application fonctionne.
Pour comprendre quel est le modèle de Tinder, il faut savoir que son principe est intimement lié avec celui de la récompense aléatoire découvert et théorisé par Burrhus Frederic Skinner. Pour faire simple, quand votre cerveau voit un beau visage, il va vous donner une sorte de « bonbon », une sécrétion de dopamine qui est l’hormone du plaisir. Comme vous voulez toujours ressentir cette sensation couplée avec celle que vous avez quand vous avez un « match », l’application vous encourage à toujours « swiper » plus et ainsi passer plus de temps sur le logiciel. Le problème, c’est que selon ce même principe, ce n’est plus le fait de voir une belle photo qui engendre la sécrétion de dopamine, mais le simple geste de balancer un profil vers la droite. Pour faire plus simple, il faut savoir que Skinner est aussi celui qui a découvert et appliqué le béhaviorisme.
Sa plus célèbre expérience se résume ainsi, imaginez un chien. Quelques secondes avant de le nourrir, à chaque fois, sans en manquer une, vous allez faire tinter un carillon. Quelque temps après le début de l’expérience, vous n’aurez qu’à faire sonner les clochettes pour que le chien se mette à saliver. C’est un principe qui montre bien le comportement primitif de l’animal qui s’applique aussi parfois aux humains, soit celui d’associer quelque chose tellement fortement avec une autre chose vraiment positive qu’un simple tintement de cloche devient alors complètement associé avec de la nourriture. C’est le même principe pour Tinder qui n’a plus besoin de vous présenter des bons profils pour vous faire apprécier l’expérience.
Maintenant, il faut savoir que j’ai un peu distordu la réalité. Parce qu’effectivement, Tinder ne se base pas simplement sur votre emplacement et votre orientation sexuelle. Depuis ses débuts, Tinder utilise une note de désirabilité sur ses utilisateurs nommé le « Elo score » révélé en 2016 par le journaliste Austin Carr qui était en dîner avec Sean Rad qui se vantait d’ailleurs d’en avoir un bien au-dessus de la moyenne, cette manière de classer le profil des utilisateurs se base sur tout ce que l’application sait et déduit de vous. Entrent en compte la beauté que vous affichez sur vos photos, ce que vous gagnez, votre travail, vos centres d’intérêt, votre appartenance ethnique, votre QI qui est calculé grâce à des algorithmes et bien pire. Ce système se base sur le même principe qui est utilisé dans les jeux vidéo. Si quelqu’un qui a un haut score vous glissez vers la droite, votre score augmente plus que la personne ayant un score bien plus bas que vous. En revanche, si une personne qui a un très bas score vous refuse, vous perdrez plus de points que si quelqu’un qui avait un haut score vous faisait la même chose.
De plus, il a été démontré entre autres par Judith Duportail que les hommes qui sont plus vieux, qui gagnent beaucoup d’argent et qui ont fait de grandes études voient leurs scores augmenter, alors que les femmes, elles qui ont exactement le même profil voient leur score baisser. Si ce n’est pas la chose la plus sexiste que j’ai entendue, considérant qu’il s’agit d’une application qui est dédiée aux jeunes adultes en quête d’amour ! Finalement, l’algorithme réunit les gens qui ont certaines ressemblances dans leurs dates de naissance, leur ville natale, leur école primaire, la couleur de leurs yeux, les mêmes initiales, ce genre de chose qui peut faire croire que c’est le destin qui nous dit d’aller vers telle personne. J’ai été très surpris en découvrant que toute cette information est publique et très facile à trouver sur Google Patents, l’endroit qui regroupe tous les brevets si on sait où chercher.
Il y a évidemment beaucoup de répercussions psychologiques à ce classement humain. Il faut savoir que selon une étude du ADN Business, 83% des utilisateurs européens de Tinder se disent insatisfaits de leur expérience soit par un comportement décevant des utilisateurs, l’agressivité des échanges et la perte de temps. Ensuite, comme les gens jugent les profils uniquement sur la beauté, cela peut être très dommageable pour l’estime de soi. Bien sûr il y a aussi le fait que rencontrer des gens de manière presque automatisée enlève tout imprévu de la vie et comme on recherche la personne parfaite, il est plus difficile de laisser une chance à quelqu’un parce que finalement, il y a aucune attache et aucun contact, ce qui facilite l’abandon pour une personne que l’on pense meilleure.
Pour conclure, j’aimerais terminer par un petit message qui est en trait avec mon opinion personnelle. Je trouve que Tinder n’est pas une application pour trouver l’amour. C’est littéralement un marché humain dans lequel les produits les plus intéressants sont mis à hauteur des yeux dans l’étagère, le reste est soit trop bas, soit trop haut. Avec ce genre d’application, tout amour et imprévu de la vie disparaissent pour que notre amour soit complètement décidé par un algorithme qui classe les humains selon leur degré de beauté et selon ce qu’ils gagnent, sans parler qu’ils ne se gênent pas pour vendre leurs informations personnelles. Tinder pourrait changer, mais tristement, ce n’est pas ce que ses utilisateurs veulent. Les utilisateurs veulent et recherchent un supermarché et c’est ce que les développeurs leur donnent. Mais si la vie va bientôt être complètement décidée par une I.A, sachez que je n’en ferai pas partie, parce que bizarrement, on laisse une application trouver notre âme soeur alors que leur source de revenu est votre malheur. Tout ce que Tinder veut n’est pas en trait avec trouver l’amour.