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Malheurs incendiés

Pour la première fois dans sa vie, assis sur le trottoir dans l’obscurité, il était bien dans sa peau. Étrangement, la vision d’horreur qui se déroulait devant lui lui apporta un réconfort immense. Jamais il n’avait cru que brûler son école pouvait être aussi jouissif. Quelques heures plus tôt, il avait erré, seul, dans les rues comme à son habitude. Sa mère, qui travaillait jusqu’à très tard, n’était pas encore rentrée et il détestait rester seul chez lui. En bottant dans un caillou, il avait relevé la tête. Ses pas l’avaient mené au pire endroit sur Terre. Un sentiment de haine l’avait submergé en pensant à son quotidien dans cet endroit. Persécuté par ses camarades, il maudissait chaque jour qu’il passait dans cette cage infernale à recevoir des réprimandes des professeurs qui jugeaient ses notes trop faibles. Alors, il s’était renfermé sur lui-même et essayait de survivre chaque jour, la tête basse, pour ne pas se faire remarquer. C’était pour cette raison qu’il n’arrivait pas à se faire des amis. Jugé comme étrange et mystérieux, personne ne voulait s’associer à lui de peur de subir le même sort. Alors, comme une graine que l’on planterait dans le sol, une idée avait germé dans son esprit. Ce lieu était la cause de tous ses malheurs. Pourquoi ne pas s’en débarrasser? Aussi vite que l’éclair, il s’était approché d’une fenêtre laissée entrouverte. Il s’était introduit dans l’école vide, avait sorti son briquet et avait mis le feu à une pile de papiers. Il s’était éloigné en courant et ce fut à ce moment qu’il s’était assis sur le trottoir pour regarder son oeuvre se dérouler devant ses yeux. Il y resta quelques dizaines de minutes, jusqu’à ce que l’on puisse voir le feu sortir des fenêtres du deuxième étage. Il se leva et prit le chemin de sa maison. En marchant, il pensa à tous ces examens qui étaient partis en fumée et cela le fit sourire. Il arriva enfin chez lui, pressé de voir sa mère qui devait être rentrée du travail. Pourtant, en ouvrant la porte pour la saluer, seul le silence répondit à son appel. Sur le comptoir, il trouva une note qui disait : « Je suis partie à ton école pour une rencontre de parents, je devrais rentrer sous peu. Je t’aime fort. Maman xxx. »

Chloé Tarte